Hôtel Bohême

Rendez-vous de créateur - Paris

3 à 4 fois par an Hôtel Bohême réunit une sélection pointue de créateurs dans un lieu d’exception situé dans le 11e arrondissement de Paris.

>> Lire la suite
CONTACT
< Retour

PORTRAIT – EN AVRIL

--29 juin 2017--

Lorsque nous avons connu Élise elle créait, déjà depuis 2007, dans son atelier cherbourgeois, de très jolis chapeaux et bibis sous le nom Les Ronds’Chapo. En 2015 nous l’avons retrouvée à la tête d’un nouveau projet qui aujourd’hui bénéficie d’un bel engouement. Une toute nouvelle marque qu’elle a choisi d’appeler En Avril, mois de naissance de ce nouveau projet. Avec En Avril, Élise confectionne à présent des bijoux brodés où de délicats insectes et fleurs côtoient David Bowie ou Baracuda. Immédiatement séduites par son travail nous l’avons invitée à faire sa première expo parisienne à Hôtel Bohême en décembre 2016. Aujourd’hui nous vous invitons à découvrir un peu plus en détails l’univers singulier d’Élise qui a répondu à nos questions depuis sa Normandie natale, et pris les photos illustrant ce portrait.
En route moussaillon !

Élise, bonjour et merci de nous accueillir dans ton atelier. Alors, comme nous ne sommes pas physiquement présentes, peux-tu nous décrire le cadre que tu as choisi pour nous répondre, histoire que nous nous mettions dans l’ambiance.
Élise Letulle : Bienvenue ! Tout est rangé, les fils triés par coloris, les livres alignés sur l’étagère, les fleurs sont fraîchement coupées, j’ai mis les petits plats dans les grands pour vous recevoir.

ea0

EA

Cependant une visite impromptue aurait dévoilé un tout autre paysage… Un jour comme les autres, c’est à mon domicile que je vous aurais invité à gravir l’escalier qui mène à mon atelier sous les toits et derrière la première porte à gauche, voici mon antre ! Les livres, papiers divers, dessins, carnets se disputent la place sur le bureau.

ea00

Les fils de coton s’entremêlent en explosion chromatique. Il reste encore çà et là les vestiges des découpes de la veille, les trop ambitieux post-it de to do list anarchiquement disposés au mur. Et pour finir, la fragile tour de colis qui menace de s’effondrer au passage du fauve de la maison.

EA1

Bref au quotidien c’est un joyeux bazar ! Mais pour l’occasion, la fée du rangement a fait des miracles… Bienvenue donc dans mon univers !

Merci Elise de cet accueil ! Maintenant que nous sommes en quelques sortes confortablement installées à tes côtés, nous allons pouvoir passer à notre conversation. Peux-tu te présenter, Élise, à ceux qui ne te connaissent pas ?

IdentitéElise

Peux-tu nous expliquer comment et pourquoi tu es passée d’une formation littéraire et juridique (déjà entre ces deux-là il a dû se passer des choses ;)), à celui de modiste, jusqu’à En Avril.
Élise : Même s’il semble atypique, mon parcours ne ressemble pas à un chemin sinueux avec des virages à 190 degrés et de grandes remises en question. C’est plutôt une longue promenade qui m’a permis de prendre des voies de traverses avec un seul mot pour balise : histoires. Si plusieurs vocations se sont bousculées à ma porte, c’est toujours crayon à la main et carnet en poche que je les ai embrassées avec l’insatiable appétit de lire, écouter, décortiquer et enfin transmettre les mots et les récits. Plus jeune, c’est les mots des autres à travers la littérature, la fantaisie et surtout la bande dessinée qui m’ont fasciné.

EA2

Asterios Polyp, David Mazzucchelli, éditions Casterman.

Chef d’œuvre du genre !!

Puis, mon cursus juridique m’a appris la rigueur du texte mais les réalités humaines et l’envie d’écrire mes propres histoires l’ont emporté. Et voilà !! J’ai d’abord tâtonné en dessinant des illustrations et j’ai beau essayer de me souvenir mais j’ignore comment le chapeau m’est arrivé en tête. D’aussi loin que je me souvienne, j’en ai toujours porté et un jour le premier d’une longue série est né sous mes doigts… Ni très beau, ni très original, mais encouragée par mes amies, j’ai développé une ligne de couvre-chef dont l’histoire prenait vie lors de défilés, spectacles, scénarios, ou d’une séance photo.

EA3

Comment t’es ensuite venue l’idée des bijoux brodés ? D’ailleurs, tu fais toujours des chapeaux ou tu as définitivement arrêté ?
Élise : À un moment, j’ai eu envie de créer des motifs sur mes chapeaux et après avoir exploré moult techniques j’ai commencé à les broder. Naturellement, la broderie s’est peu à peu détachée du support pour créer une première broche. En Avril était né, en avril, et les Ronds’Chapo sommeillent en attendant de nouvelles envies.

EA4

Ton travail dans le cadre des Rond’chapo était lui aussi très intéressant mais on a l’impression que celui d’En Avril a vite pris une toute autre dimension. Il connaît un bel engouement, ce qui doit te ravir. Ça nous intéresserait que tu nous expliques comment ça se passe pour changer de nom de marque et de produit. Tout doit être à refaire non ?
Élise : Si je devais filer à nouveau la métaphore routière, je dirai que Les Ronds’Chapo a été une très longue randonnée ascensionnelle en terre inconnue et sans boussole (ceux qui me connaissent sauront mon aversion pour ce genre d’activité). En comparaison En Avril c’est tout confort à bord, on prend les raccourcis avec un GPS en plus. Tout a été plus facile et plus rapide car j’avais en main le mode d’emploi et ceux qui aimaient Les Ronds’Chapo m’ont en général suivi dans ce nouveau projet. Bien sûr, il a fallu travailler sur une nouvelle identité visuelle (merci David Hélaine), dossier de presse et catalogue, mais la philosophie restait la même. S’attaquer à une activité à l’image à la fois désuète et luxueuse pour en décomplexer l’usage. Créer un accessoire à la fois ludique, narratif et aux prix démocratiques.

EA5

Une identité graphique de David Hélaine, architecte.

Le plus grand bouleversement résidait plutôt dans la méthode de travail. Si auparavant je me noyais dans de chronophages recherches thématiques, la quête de tissus et l’opulence des techniques, ici tout est d’une instantanéité déconcertante. Une sobriété de moyens dépouillée de toute contrainte de saisonnalité. Un crayon, du fil, du coton me suffisent pour créer ce qui est l’essence d’un accessoire : un petit rien qui fait la différence.

EA6

EA7


Quelle est la particularité de la technique que tu utilises, celle au crochet de Lunéville ?
Élise : Je loue l’homme ou la femme qui eut un jour l’idée de ce fabuleux outil qu’est le crochet de Lunéville, qui a sauvé mes doigts et mes empreintes digitales !! Ce crochet est normalement dédié à la broderie de perles en haute couture, usage que j’ai détourné pour créer une technique personnelle, certes peu académique mais qui me permet de réaliser des motifs extrêmement fins et précis.

EA8

Plutôt que de longues explications techniques je vous propose en image de découvrir la réalisation d’une broche en volume. Tout part toujours d’un dessin.

EA9

Pour une broche en volume, il me faut trois tambours à broder. Un pour le corps, un pour les ailes et un dernier pour tout rassembler créer le volume et la perlerie.

EA10

Chaque insecte est ensuite découpé avec soin puis monté sur un empiècement en cuir. Puis vient l’heure de la séance photo, de la mise en ligne sur ma boutique en ligne en croisant les doigts pour qu’un de mes protégés soit finalement adopté.

ea11

Dans ton travail il y a des fleurs et des insectes (et depuis peu des fruits), mais aussi des portraits de personnalités. Ces deux esthétiques sont très différentes. Je veux dire, j’imagine qu’on n’accroche pas un scarabée aux antennes dorées à son pull, comme on y accroche Baracuda 😉 Cela répond à une demande particulière de clients ? D’une envie de ta part ? 
Élise : Comme évoqué précédemment, je n’ai pas de contrainte de collection, En Avril est un laboratoire où je teste les envies du moment, les dessins du matin. S’il est vrai que le goût du rétro et l’inspiration naturaliste me guident souvent, j’aime à la fois le kitsch et le pop, les séries TV et le cinéma de Jacques Demy, la peinture de Jérôme Bosch et l’esprit du Bauhaus, Schiaparelli et Schiaparelli, fromage et dessert…

Si ça continue comme ça il va t’être difficile de continuer à tout faire toute seule non ? Quels sont tes projets pour En Avril ?
Élise : En Avril est encore un jeune projet et je me laisse porter par les évènements. S’il est vrai que parfois des petites mains supplémentaires me seraient d’un grand secours, le travail solitaire et la maitrise intégrale sont des habitudes difficiles à braver. Cependant, je ne m’interdis pas de futures collaborations et qui sait un jour de pouvoir transmettre un savoir faire.

Est-ce qu’il y a une question qu’on te pose souvent et à laquelle tu souhaiterais répondre via ce portrait ?
Élise : La question récurrente qui me plonge souvent dans un grand désarroi : pourquoi le nom En Avril ? À ma réponse : c’est le mois de naissance de la marque, je sens souvent une déception profonde dans l’œil du questionneur face à l’absence de sens caché du nom… La simplicité de ce nom c’est ce qui me plait aussi. Petite confidence En Avril a failli s’appeler Mathilde et Pénélope, voilà de la référence en termes d’ouvrage de dame et de récit.

Comme nous le disions en introduction tu as fait ta première expo parisienne chez nous en décembre 2016. Qu’est-ce qui en ressort pour toi ? 
Élise : Hôtel Bohême c’était une des grandes premières, sortir de la bulle de l’atelier et se frotter au regard sans le filtre virtuel n’est jamais facile…

ea12

L’accueil chaleureux, l’enthousiasme, les rencontres, les mots d’encouragement des « professionnels de la profession » c’est le meilleur remède pour l’égo et les complexes de légitimité lorsque l’on est autodidacte. Ce qui m’a le plus étonné, c’est une vraie sensibilité des visiteurs pour le travail éminemment manuel, artisanal, et le savoir-faire et c’est avec une grande émotion que j’ai aussi découvert qu’En Avril était inter générationnel de 7 à 77 ans (comme Tintin).

Ça ressemble à quoi une journée de travail chez En Avril ?
Élise : Un jour comme un autre chez En Avril, c’est la radio qui s’allume et ne se taira que la nuit venue, l’indispensable café brulant, et le rituel des croquis gribouillés lors de ce déjeuner solitaire. La plus ou moins heureuse découverte des broderies tardives réalisées à la lumière artificielleLa journée sera consacrée à broder, à découper ou à monter les bijoux. Seule une escapade cycliste pour déposer les colis, l’occasion d’un grand bol d’air marin, me fera quitter l’atelier. Seul le vendredi où le mot procrastination est à l’honneur fait exception. Je vagabonde sur internet, baille aux corneilles, en attendant la fin de journée placée sous le signe du cocooning familial ou des bavardages apéritifs avec mes amies. Vous ai-je précisé que je répondais à cet entretien un vendredi… ?

Quel est ton endroit préféré à Cherbourg ?
Élise : Pour cette fin d’entretien qui je vous le rappelle se déroule un vendredi… on sort de l’atelier et je vous emmène dans un lieu que j’aime particulièrement. Nous voici au Parc Emmanuel Liais, sa serre et son musée. Le musée d’histoire naturelle est « dans son jus » et c’est ce qui en fait le charme, des étiquettes manuscrites, une douce lumière pastel, des étranges silhouettes figées dans le formol : c’est une visite incontournable à Cherbourg.

ea13

C’est en passant par le jardin de cactus et la serre tropicale du parc que je clos cette petite visite.

ea14

Ton mot de la fin ?
Élise : Je tenais particulièrement à remercier l’équipe d’Hôtel Bohême pour son enthousiasme, son énergie et son intérêt toujours renouvelé pour les créateurs et vous souhaiter un très bel été.
Hôtel Bohême : Merci Élise, très bel été à toi également. À très vite.

Pour suivre En Avril :
Le shop
Facebook
Instagram

Interview : Mélanie Brument
Photos : Élise Letulle

Article classé dans JOURNAL
, , , , , , , , , , ,

Share Button

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.