PORTRAIT – EXQUISES INDÉCISES
Bonjour à tous ! Cela fait un petit moment que nous ne vous avons pas donné de nouvelles. Et surtout que nous n’avons pas fait le portrait d’un créateur / d’une créatrice, pour vous faire découvrir plus en détail son travail et son quotidien. C’est que le temps passe vite, et nous vous préparons plein de choses pour cet automne-hiver vous savez ! 😉
Mais faisons ensemble une petite parenthèse. Laissons de côté nos occupations et nos petits tracas. Évadons-nous et allons découvrir le travail précieux et méticuleux d’Exquises Indécises.
Pour notre évasion collective, nous pouvons dores et déjà vous annoncer que la météo sera au beau fixe, puisque nous vous emmenons à Marseille, où Clémentine, la créatrice, est revenue poser ses valises et ses outils il y a trois ans. Si vous ne connaissez pas Exquises Indécises, il s’agit d’une petite marque de bijoux que Clémentine confectionne entièrement à la main, dans sa boutique/atelier située au 40, rue Edouard Delanglade dans le 6e arrondissement. En dessous de Notre-Dame de la Garde, pas loin de la mer et du Vieux-Port, pour mieux compléter la carte postale.
Depuis 2013, Clémentine participe au moins une fois par an à Hôtel Bohême, car nous aimons son travail et son évolution. Elle est pour nous l’une de ces valeurs sûres qu’il nous tient à cœur de soutenir et d’accompagner. Aujourd’hui nous vous la présentons plus en détail.
Clémentine bonjour, et merci de nous recevoir dans ton atelier. Comme nous ne sommes pas physiquement là pour cette ITW, peux-tu nous retranscrire le cadre, l‘ambiance dans laquelle tu nous réponds stp ? Histoire que nous nous mettions dans l’ambiance 🙂
Clémentine : Pour commencer, merci de cette interview, ça me fait super plaisir d’avoir l’occasion de raconter un peu mon parcours.L’atelier, c’était surtout mon lieu de travail quand je suis revenue vivre à Marseille, (il faut dire qu’à Paris je travaillais dans ma cheminée à la naissance de Nino, et puis ça a continué avec l’arrivée de Diane). Defil en aiguille, je l’ai aménagé comme une boutique. Il y a donc deux espaces : l’atelier dans lequel je travaille où je mets tout mon bazar (j’ai besoin de m’étaler), et la boutique décorée avec des meubles chinés, (stockés pour certains pendant quelques années chez mes parents) et sur lesquels sont présentés les bijoux, les pièces uniques, les prototypes terminés. C’est un lieu qui me ressemble, et dans lequel je me sens bien. Il reflète mon univers, mes envies, les choses qui me plaisent et dans lequel je peux proposer à la fois les collections et les pièces uniques.
Clémentine, pourquoi ce nom Exquises Indécises ?
Clémentine : Ah ! Grande discussion avec mon père à ce sujet ! Il trouvait l’adjectif « indécises » un peu négatif. De mon côté il me semblait que beaucoup de filles passaient pas mal de temps à essayer leurs coups de cœur avant de se décider (moi la première), et qu’associé à « exquises » ça donnait une petite allitération poétique. D’autant que je suis un peu indécise parfois entre deux prototypes…
Exemple de prototypes de boucles d’oreille Exquises Indécises
Peux-tu présenter ta marque et ta façon de travailler, à ceux qui ne te connaissent pas. Ou pour ceux qui te connaissent, mais qui voudraient en savoir plus ?
Clémentine : Alors alors, et bien je suis architecte diplômée, j’ai travaillé en agence à Paris, et j’ai toujours aimé le travail manuel, la transformation des objets ou l’imagination de ce que cela peut être. J’ai donc commencé par l’assemblage de pièces achetées ici et là, puis je trouvais ça classique et fouillis, alors je me suis acheté une scie à métaux pour commencer, puis une perceuse et en avant… ! Ensuite, j’ai pris des cours du soir pour la soudure pendant deux mois, j’étais pas mal stressée avec le gaz (ahaha), à tel point que lorsque mon père m’a offert mon chalumeau j’ai mis un an avant de l’utiliser… et puis, petit à petit, je me suis équipée quand j’avais envie d’essayer des choses.
Je suis autodidacte dans la création de bijoux, parfois cela me pose « problème » concernant la légitimité de la chose, mais en même temps je me dis que de ne pas connaître la technique me pousse à réfléchir autrement pour trouver la solution.
Je travaille dans le bazar : soit je dessine les modèles ou un croquis rapide et je réalise un prototype, soit je réalise directement le prototype avec des bouts de métal, du papier découpé. Si le prototype ne meplaît pas, je le laisse de côté parfois des mois avant d’y revenir. Je réalise pas mal de tests entre les commandes des clients, d’une part pour concrétiser une idée et pour varier un peu.
Je travaille en parallèle les matrices qui vont me servir à créer les empreintes : là tout y passe, le dessin, la peinture, les tampons… et je regarde beaucoup les papiers peints, les livres pour enfants, les revues d’architectures, les magazines… Ça peut être l’ombre d’une feuille de palmier, un motif vu sur un fronton…Et comme je suis assez indécise, j’ai du mal à choisir d’enlever tel ou tel thème, alors j’essaie de garder les intemporels, puis j’ajoute des thèmes au moment des collections.
Ma formation d’architecte m’aide beaucoup pour les proportions, le fait de voir en volume les pièces, et pour les références plutôt graphiques.
Avant de créer ta marque, tu as travaillé 5 ans en agence d’architecture. Ce métier que tu as quitté reste très présent dans ton travail. Pourquoi avoir changé de cap ?
Clémentine : En fait,j’adore l’architecture, c’est quelque chose qui me touche, les lignes architecturales, l’idée que les gens vont utiliser un bâtiment ou vivre à l’intérieur, et comment ils vont le vivre. La lumière aussi ; j’adore lire des plans de beaux projets, le coté graphique de l’architecture. Mais pour être honnête, j’avais un peu de mal à travailler toute la journée dans une agence en open-space, où tu récupères le stress des autres ou alors c’est toi qui les stresse. J’avais besoin de me lever tout le temps, je me démoralisais d’être derrière un écran toute la journée alors que j’aurais bien aimé faire du chantier… Par contre, j’ai beaucoup aimé travailler sur les dessins de concours d’archi et ça c’était vraiment top pour le coté graphique et ça m’a beaucoup appris. C’est aussi une question d’échelle : du bâtiment au bijou on passe du grand au détail, et la temporalité dédiée à une pièce est bien plus longue en architecture. Mais je continue à faire de petits projets d’aménagement intérieur, ce qui me convient parfaitement.
Le plus drôle c’est qu’à l’École d’Archi, il a un jour fallu que je justifie un choix architectural, et comme j’ai parlé de ressenti, le prof m’a dit : « Ici on n’est pas chez les artistes ! » Tout était dit.
Quelques-unes des références architecturales de Clémentine :
Palais de la civilisation italienne – Maison Fendi – Rome
Macro – Musée d’art contemporain de Rome – Réalisé par Odile Decq
Après avoir vécu à la capitale tu as choisi de revenir à Marseille. Ta ville natale, j’ai pu comprendre. Vraiment ? Mais tu n’as aucun accent Clémentine !!??
Clémentine : Ahah oui ma ville natale ! Et non je n’ai pas d’accent, ma prof de danse obligeait les copines à gommer leur accent et dire « Môman » quand elles prenaient la parole en cours. En revanche,j’ai un petit lexique d’expressions provençales qui vient de ma grand-mère et de ma mère et que j’adore employer, ça et les expressions désuètes.
Ah oui ? Comme ? 🙂
Clémentine : Comme « arapède » : c’est un petit coquillage en forme de chapeau chinois qui se colle aux rochers et par extension une personne un peu « collante » mais je l’utilise plus pour les enfants donc c’est plutôt gentil.
• « ça pègue » : ça colle, et donc « dépeguer » : on ne peut plus s’en défaire.
• « bazarette » : qui parle beaucoup
• « favouille » : c’est un petit crabe mais c’est aussi un surnom rigolo pour les enfants. Un peu comme « gari »
• « faire un gâté » : faire un câlin
• « être esquiché » : serré, comme des sardines de préférence 🙂
mon maitre de CM2 disait souvent untel est « jobastre » ça me fait sourire quand j’entends quelqu’un dire ce mot. Et il y en a encore plein d’autres 🙂
En dehors de ton travail et de l’architecture, donc, qu’est-ce qui te passionne ? Ou quels sont tes petits plaisirs du quotidien ?
Clémentine : Oulala, des tas de choses ! Alors, ben, j’aime bien traficoter, bricoler, bien manger, faire le marché, mais surtout déambuler en ville, je trouve ça hyper agréable.
Avoir une boutique quand on est par ailleurs maman de deux enfants c’est… ?
Clémentine : Pas tous les jours facile, mais j’essaie de bien faire, d’où la dénomination « atelier ». Ça me permet, en théorie, d’être plus souple sur les horaires, mais bon, c’est quand même moi que l’école appelle s’il y a un enfant malade, ou qui me demande si je suis dispo pour accompagner à une sortie scolaire. Le plus dur c’est plutôt qu’on soit deux à bosser en indépendants, mais chacun pour sa boîte, et avec des impératifs variables. On fonctionne plutôt en vases communicants en fait. Avec les enfants, quand il y en a un qui a trop de travail, l’autre est un peu obligé de lever le pied, et ensuite ça s’inverse. Résultat on court toujours dans tous les sens…
« Il y a surtout des dessins et des petites surprises de Diane qui déplace les objets. Nino vient un peu moins, il m’aide à préparer les paquets pour le doreur, et détacher les pièces des plaques à la maison ».
En sachant que parallèlement à ta boutique/atelier, où tu vends uniquement tes créations, tu participes à des évènements de créateurs un peu partout en France, et ton travail est vendu dans une vingtaine de boutiques en France et à l’étranger. Ta recette miracle pour tenir le rythme ?
Clémentine : Ah pas de recette miracle, beaucoup de travail mais comme je suis super contente de vivre de ma passion ça me paraît bien moins difficile. Et puis de voir que les clients reviennent à l’atelier, ou dans les salons, c’est très gratifiant.
D’ailleurs, nous disions tout à l’heure qu’au début tu étais encore en agence d’archi en parallèle de la création de ta marque. As-tu été accompagnée par quelqu’unde bons conseils pour que ton évolution soit bien maîtrisée, ou as-tu fait les choses au feeling ?
Clémentine : Ça s’est fait plutôt sur un malentendu en fait. Mon CDD, qui devait se transformer en CDI, ne s’est pas fait et on était au mois d’octobre. Je savais que j’avais des salons prévus avant Noël, je me suis dit : « Allez j’essaie sinon je vais regretter ». Donc tout en autofinancement, en autodidacte, et deux enfants qui sont arrivés. Mais mon compagnon, ainsi que mes parents et mes amis croient en moi dans les moments de grande remise en question et c’est important car je doute beaucoup.
Ta marque a maintenant 7ans. Elle est ton activité principale. Quels conseils donnerais-tu à ceux qui se lancent aujourd’hui ?
Clémentine : De faire du mieux qu’on peut, toujours, de s’investir à fond et de ne pas compter ses heures. Bon en fait, si, il faudrait, mais bon, … Et de se faire plaisir en choisissant la voie qui nous paraît importante. Tout semble quand même moins compliqué si on est à fond dans ce qu’on fait.
Et comme il y a aussi une réalité économique, il faut être lucide sur la viabilité de son projet, et avec l’expérience, savoir s’entourer de personnes compétentes dans les domaines qu’on maitrise moins, c’est bien aussi. En me lançant je n’ai fait ni l’un ni l’autre, donc le développement de la marque est moins fulgurant que pour d’autres 🙂
Comme nous venons de le dire, Exquises Indécises a quelques années derrière elle. Tu nous expliques l’évolution de ton style/ton travail ?
Clémentine : Alors j’ai commencé par de l’assemblage, des nœuds en cuir avec du tissu collé derrière, des pièces uniques avec des bijoux récupérés à droite et à gauche, de l’assemblage de perles, etc. Puis le moment des premières découpes, avec des tas de petits animaux minuscules, que je garde pour Diane ma fille. Mes premières feuilles de gingko, mais avec des perles toujours, Ahah ! Et puis les pièces émaillées.
Petite rétrospective du travail d’Exquises Indécises depuis 2010
Mais vraiment là où ça a été une révélation ce sont les empreintes : d’imaginer un procédé pour reproduire des motifs sur le métal, créer des empreintes/matrices.
Exemple autour du travail de l’empreinte.
Depuis l’ouverture de l’atelier, j’ai des commandes des pièces précieuses : bagues, alliances, bijoux de baptême, etc. J’ai commencé à travailler la fonte, c’est très chouette.
Pièce tout juste sortie de la fonte.
Résultat final. Après intervention de Clémentine.
Tu viens à Hôtel Bohême depuis 2013,quel regard portes-tu sur notre évènement ?
Clémentine : Avant j’y allais en tant que visiteur, je trouvais la sélection hyper chouette. J’ai raté la date d’inscription en 2012 d’un jour. Et du coup quand j’ai été prise en 2013 c’était hyper important pour moi. Comme un signe de reconnaissance par rapport à mon travail.
En tant que créatrice qu’est-ce qu’Hôtel Bohême t’a apporté ?
Clémentine : Oh pas mal de choses quand même : une visibilité, des copines créatrices, des supers contacts et j’aime bien aussi l’ambiance qu’il y a. La sélection est chouette, à chaque fois, donc même pour nous, exposant, c’est agréable à regarder. Et aussi le fait de ne pas participer à chaque édition fait que le public se lasse moins et qu’il peut rencontrer de nouveaux créateurs à chaque fois.
Plus largement c’est quoi pour toi être créatrice ?
Clémentine : M’exprimer.
Tu nous donnes 5 endroits que tu conseilles à ceux qui ont des enfants à Marseille ?
Clémentine : En premier c’est le Parc de la Colline, (le parc Puget ). C’est le premier parc public de Marseille. C’est en hauteur, on a vue sur la mer et sur Notre Dame plus haut. C’est hyper tranquille comme il faut monter une côte pour y aller, il n’y a pas beaucoup de monde.
Ensuite j’aime bien la rue d’Aubagne, son brouhaha et ses petites échoppes.
Le trajet pour aller au Mucem en prenant le ferry boat et en passant par la place de Lenche, le parc Bortoli où ma grand-mère nous emmenait petits et aussi le jardin du conservatoire de danse parce que j’aime bien l’architecture du bâtiment.
Malgré les voitures, Marseille reste une ville agréable à parcourir à pied. Le paysage architectural change tellement et il y a toujours des petits détails qui attirent l’œil. Et puis, on peut vite s’évader de la ville si on veut encore plus de verdure. Par exemple la balade au Frioul se fait super vite en bateau, ça fait déjà un peu vacances, pareil pour la pointe rouge.
Quelles sont les prochaines nouveautés d’Exquises Indécises, Clémentine ?
Clémentine : Ah je prépare un nouveau thème qui viendra compléter la collection, inspiré des gloires qu’on trouve dans l’architecture religieuse en Italie et/ou petites feuilles d’acanthe. Ahah rien qu’en le disant ça me paraît bien compliqué 🙂
😉 Peut-être pourrais-tu nous en montrer un exemple en photo ?
Clémentin : Voici !
Jouons à l’arroseur arrosé. Si tu veux, tu peux nous poser une question.
Clémentine : Est-ce que vous sélectionnez les créateurs en fonction d’un thème que vous gardez mentalement en tête pour une bonne cohésion, comme à chaque fois, ou bien en fonction d’autres critères ?
Non pas de thème à proprement parlé, mais nous essayons de proposer une sélection variée, c’est-à-dire pas 20 créateurs sur 40 qui font du bijoux et le reste quasi inexistant. Dès 2012, on a vraiment pris le parti pris de mettre très en avant le secteur de la maison, au sens large (en allant du travail de la terre, à l’illustration, ou la papeterie, jusqu’au secteur beauté). À cette époque, ça n’était pas du tout monnaie courante. La déco, la maison, n’étaient pas aussi présentes sur ce type d’évènements. On y voyait une sélection majoritairement orientée mode et accessoires plutôt.
Pour ce qui est de la sélection des créateurs, de façon individuelle, il y a plusieurs critères qui sont importants :
1) le coup de cœur pour le travail (qui passe par l’esthétique, la technicité, etc).
2) Le fait que ce soit fabriqué localement et en petites séries.
3) Le fait qu’on ne voit pas trop ce créateur sur d’autres évènements du même type que le nôtre, à Paris, est aussi important. Voire même très très important.
4) Si ce créateur vient chez nous pour y réaliser sa toute première expo à Paris, ou en exclusivité, c’est un gros plus. Nous avons un vrai rôle de défricheur de talents auquel nous tenons beaucoup. C’est un parti pris de programmation qui nous est propre. Il est beaucoup plus risqué que de programmer uniquement des créateurs dont on sait que le travail plaît à nos visiteurs ou dont on a entendu qu’ils fonctionnaient bien chez les voisins. C’est plus novateur et beaucoup plus excitant pour nous et pour notre clientèle, si fidèle depuis toutes ces années (dix ans cette année si mes calculs sont bons).
Ton mot de la fin ?
Clémentine : J’aimerai bien que ça continue comme ça, je croise les doigts 🙂 et merci !
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Interview : Mélanie Brument
Photos : Clémentine Martin