PORTRAIT – SOPHIE MORILLE
Avant de vous dévoiler ce nouveau portrait laissez-nous vous souhaiter tout le meilleur pour cette nouvelle année. Aujourd’hui, pour bien démarrer 2016, nous vous emmenons à La Montagne, non pas pour y faire du ski mais à La Montagne en région nantaise, découvrir l‘atelier de Sophie Morille. La première fois que notre équipe à découvert son travail, il y a maintenant 3 ans, nous avons tout de suite été touchées par l’univers singulier et délicat de Sophie. L’invitation au rêve de ses mobiles, le côté un peu « touche à tout » de cette ancienne élève de Duperré, qui propose aussi bien des gravures que des coussins colorés à partir de teintures végétales. Auxquels s’ajoutent ses mobiles en papier, inspirés des pliages de l’origami. Pour nous, Sophie est un mélange de plasticienne, designer, illustratrice, couturière, bricoleuse, et nous avions envie de vous faire découvrir son univers.
Même si Sophie a installé son atelier en région nantaise c’est dans sa région natale qu’elle puise son inspiration. Dans une campagne généreuse au cœur du Maine et Loire, là où l’on peut sentir la terre, les champs, les fleurs sauvages à perte de vue, des hangars et greniers aux trésors cachés, où elle déniche encore aujourd’hui plantes, clous rouillés, entre autres, pour ses teintures végétales.
Bien que très fortement tentées par un petit voyage, il nous est encore difficile de nous rendre aux quatre coins de la France pour y réaliser les interviews (mais nous ne désespérons pas d’y arriver un jour !). Aussi, nous nous chargeons des questions, Sophie des photos illustrant son portrait.
Sophie, bonjour et merci de prendre un peu de ton temps en cette période bien remplie pour toi aussi, pour répondre à nos questions. Alors pour commencer, peux-tu nous présenter ton travail ?
Sophie Morille : Mon travail se situe entre art-design et illustration. J’aime manipuler le papier, le tissu, le fil, dessiner, avoir les mains pleines d’encre et de teinture et recycler autant que possible… De tout ça naissent différents objets qui sont emprunts de mon univers… Mobiles en papiers, coussins, sacs en teinture végétale, dessins et gravures. . Je travaille aussi bien avec des galeries d’arts qu’avec des boutiques de déco et de design. J’essaye de faire de belles créations harmonieuses et simples, et la plupart du temps inspirés par la nature. C’est avant tout le goût du fait main et l’amour des belles choses qui m’anime.
Quel a été ton parcours depuis l’Ecole Duperré jusqu’à la création, puis la commercialisation de ton travail ?
Sophie Morille : Quand je suis sortie de l’Ecole Duperré (avec un Diplôme de métiers d’art textile (option tapisserie) puis un BTS Art Textile et Impression), j’ai eu l’impression que je redescendais de mon petit nuage :). J’ai mis beaucoup de temps à concilier réalité professionnelle et créativité : la créativité m’intéressait tellement plus :). Je suis repartie dans ma région natale (Le Maine et Loire) et après quelques temps j’ai travaillé dans une boîte de sérigraphie puis j’ai été designer pour IKKS Femme où je dessinais les motifs. Le travail en tant que salariée ne me convenant pas je suis partie pour me lancer en free-lance. J’ai travaillé alors pour des marques de prêt-à-porter enfants pour lesquelles je faisais encore des motifs. Parallèlement je développais mes propres créations que je montrais et vendais lors d’expos de créateurs… En arrivant à Nantes tout cela s’est développé très rapidement, les projets et les opportunités aussi. Salons, boutiques, galeries, etc… J’ai petit à petit lâché le motif pour ne faire plus que mes propres créations.
Peux-tu nous expliquer quelles sont tes différentes étapes de travail, de l’idée d’une création jusqu’à sa commercialisation ?
Sophie Morille : J’ai un mode de travail très intuitif je crois… Selon les périodes de l’année, de ma vie, j’aime développer tel ou tel médium. Je tiens à cette grande liberté. Ensuite je pars d’une idée puis je manipule, je recherche jusqu’à ce que les choses se fassent de façon assez naturelle.
Tout commence par une envie : par exemple pour mes mobiles, j’ai eu envie à un moment de travailler le papier et le volume. J’ai commencé par manipuler et m’intéresser à l’origami… Et puis à force de chercher, à faire des cocottes et autres, je suis tombée un peu par hasard sur cette forme géométrique que je développe encore.
Petit à petit ont vu le jour des mobiles sur fils, puis l’idée m’est venue de les suspendre à des branches… Je laisse beaucoup la place à l’intuitif et au hasard ! Je pars alors régulièrement tout près de chez moi dans une forêt pour ramasser des branches mortes.
Pour mes gravures j’ai des carnets de croquis avec des dessins, des idées… Je peux partir d’une image, photo, ou encore dessiner directement des végétaux que j’ai récoltés puis amenés à mon atelier.
J’adore aussi quand j’ai le temps de me balader dans la nature et faire des croquis sur le vif. L’avantage avec la gravure c’est qu’avec une même matrice (plaque de plexiglas ou métal dans laquelle on vient graver notre dessin) je peux faire plusieurs tirages. Pour mes derniers dessins aux crayons de couleurs, j’ai opté pour une impression d’art appelée “digigraphie”. Pour cela je scanne mon dessin, le retravaille parfois un peu sur photoshop pour ensuite l’envoyer chez l’imprimeur. Je travaille avec un super imprimeur sur Nantes avec qui je prends le temps de tout revoir, les couleurs, la dimension de mes dessins, etc. Ensuite vient la commercialisation. Je travaille maintenant avec diverses galeries, boutiques, librairies qui sont pour la plupart venues vers moi (suite à des salons, par internet…) qui me passent des commandes régulièrement. Des particuliers me contactent aussi directement. Depuis septembre dernier j’ai développé ma boutique en ligne, j’ai adoré faire ça :)! Et ça fonctionne plutôt bien, je suis ravie! Je communique donc sur internet (facebook, instagram, mon blog…). Mais j’aime aussi faire des salons, là où je peux échanger avec les gens sur mon travail, c’est très riche! Et puis aussi rencontrer d’autres créateurs et discuter de nos activités, c’est très très important (nous sommes déjà tellement seul).
D’où te vient ce côté « touche à tout » ?
Sophie Morille : Je ne sais pas vraiment d’où me vient ce côté touche à tout… C’est comme cela que je m’épanouie en tout cas ! J’aime faire tellement de choses ! Ce qui m’intéresse c’est de développer mon univers, ma sensibilité. Peu importe le médium finalement. Mais je me suis longtemps posé la question et puis beaucoup m’ont rassurés en me disant que l’ensemble était très cohérent, ça fait partie de moi je pense !
Est-ce que tu as une autre activité ou tu vis essentiellement de tes créations ?
Sophie Morille : Non je n’ai pas d’autres activités en parallèle. J’ai beaucoup de chance de ne pouvoir faire que ça même si c’est parfois difficile. Il y a des périodes de grands creux et des périodes de gros rush (comme en ce moment par exemple, nous sommes vendredi soir, il est 22h58, et je travaille encore). C’est parfois stressant et fatiguant mais j’aime tellement ce que je fais…
Quel est ton quotidien de créatrice ? Pourrais-tu nous décrire une journée type par exemple ?
Sophie Morille : Je me réveille tout en douceur avec la voix douce de ma fille de 21 mois appelant “maman” ou “papa ». Y’a plus dur comme réveil :)! Nous ne sommes pas des matinaux à la maison, et on aime prendre le temps le matin. Donc réveil autour de 8h30, on se prépare tranquillement et on prépare notre fille pour ensuite l’emmener à la crèche en vélo. Je me mets à travailler environ vers 9H30, 10h. Mon atelier est attenant à notre maison. Nous avons retapé notre maison ainsi que mon atelier nous même! Donc j’ai vraiment pu le transformer comme je le voulais et j’apprécie vraiment d’être tout près de la maison, j’ai juste à traverser le jardin pour m’y rendre… Parfois je me mets rapidement à travailler et à continuer ce qui est en cours, parfois j’ai plus de mal. La pause déjeuner est plutôt rapide, je me remets au travail très vite. Je ne sais pas s’il y a vraiment des journées type en fait. En tout cas je passe beaucoup beaucoup de temps dans mon atelier mais j’aime aussi de temps en temps casser ce rythme.
Il peut y avoir des journées ou je décide de moins travailler, de prendre plus le temps de cuisiner, d’aller me balader à Nantes… de manger avec des copines… de faires les boutiques, les librairies… Mais en vrai je culpabilise assez vite dès que je ne travaille pas. Mes journées de travail s’arrêtent autour de 18h et je retrouve alors ma fille.
Si tu n’avais pas fait ce métier qu’aurais-tu fait ?
Sophie Morille : Je pense que j’aurais été malheureuse si je n’avais pas fait ce métier. Il le fallait, c’est sûr! 🙂
As-tu des petits rituels, des petites manies de travail ?
Sophie Morille : Non, je ne pense pas.
Quelles sont tes sources d’inspiration ?
Sophie Morille : Ma fille me nourrit beaucoup, c’est sûr.
La nature à une place également très importante dans mon travail. Petite, j’ai grandi à la campagne dans le Maine-et-Loire, loin de la ville, alors la nature fait partie de moi, et inévitablement elle influence mes créations.
J’aime malgré tout aussi l’effervescence de la ville et j’adore retourner à Paris, faire des expos, des boutiques etc. Je reviens chaque fois avec pleins d’idées. J’ai une bibliothèque avec divers livres sur le textile, l’illustration, la nature ou sur des artistes que je regarde régulièrement. Je trouve sur internet également mes inspirations, notamment avec Pinterest. Cependant j’y vais de moins en moins car je trouve qu’on peut facilement se perdre et ressentir de la frustration.
Pourquoi de la frustration ?
Sophie Morille : Car on peut passer un temps fou à s’inspirer sur le net, on pourrait ne jamais s’arrêter tellement c’est riche.
Du coup je peux vite être dans l’inactivité créative et la paresse et je trouve que cela peut créer de la frustration de voir toutes ces choses sans forcément être dans l’action.
J’essaye maintenant de faire plus, d’explorer par moi-même sans forcément toujours avoir besoin d’images d’inspiration. Je ne dis pas que nous n’avons pas besoin d’inspiration, mais je pense qu’il est bon de se limiter.
Qu’est-ce qui est important pour toi dans ton travail ?
Sophie Morille : Le côté fait-main. Faire de A à Z est très important pour moi. Travailler le plus possible avec des matériaux récupérés (papiers, draps ancien, plantes, clous rouillés etc.). J’aime ce rapport avec les matériaux qui ont déjà eu une vie avant et de voir comment je peux m’en servir. Je crois que je me sens plus à l’aise avec eux qu’avec des supports neufs et vierges. Je trouve mon inspiration aussi grâce à cette vie qu’ont eue ces matériaux. Me renouveler et chercher régulièrement de nouvelles idées est également très important pour moi, ne pas m’enfermer en somme.
Qu’est-ce qui te plaît le plus dans ton travail et à l’inverse, le moins ?
Sophie Morille : Ce que j’aime le plus c’est cette grande liberté… de travailler tel ou tel médium, de pouvoir choisir avec qui je veux travailler, de décider de mon emploi du temps, de ne pas avoir quelqu’un qui me dit quoi faire etc etc. C’est du grand luxe à mon sens. Ce que je déteste le plus c’est le stress que cela peut engendrer à certaines périodes.
Justement au sujet du stress Sophie, à cause de celui-ci dû à un surmenage de fin d’année, tu as dû annuler ta venue à Hôtel Bohême pour notre édition de décembre. C’est ça la limite de travailler seul ? Parfois on n’y arrive plus ?
Sophie Morille : Oui j’ai eu une fin d’année particulièrement chargée et je me suis épuisée. J’ai dû mal en effet à gérer cela et le stress que cela peut engendrer. Il faut que je trouve des solutions pour mieux répartir mon année, ça va me servir de leçon pour cette nouvelle année…enfin, j’espère que cette expérience va m’aider. On a du mal en tant qu’indépendant à dire non à des commandes, alors on prend, on prend, on ne dit rarement non… C’est en effet la chose la plus compliqué à gérer pour moi dans mon travail. Et le fait de travailler seule c’est sûr qu’on ne peut à aucun moment déléguer, on ne peut compter que sur nous même, et c’est parfois difficile. Et maintenant que j’ai une petite fille de 20 mois, c’est encore plus compliqué car à cet âge là ils ont besoin de beaucoup d’attention et de présence. Et je tiens à être présente pour elle.
Ça va être le défi de 2016, trouver un meilleur équilibre entre tout ça !
En tout cas cela n’a pas été sans regret d’avoir dû annulé ma venue à Hôtel Bohème mais parfois il faut savoir s’écouter…
À travers les différents portraits que nous proposons nous cherchons à faire mieux comprendre qui sont ceux que l’on appelle depuis quelques années maintenant des « créateurs ». Quelle réponse donnerais-tu, toi qui es créatrice ?
Sophie Morille : Ce sont des artistes indépendants qui développent leur sensibilité à travers divers médiums. Le créateur imagine, produit et commercialise en général seul ses produits… Pas si facile comme question…
Ta première expo à Paris s’est faite en décembre 2013 à Hôtel Bohême, où tu continues d’ailleurs de venir en exclusivité parisienne. Peux-tu nous dire si tu as le sentiment ou non que ta participation à Hôtel Bohême a apporté quelque chose à ta marque, dans son évolution et pourquoi ça te plaît de revenir.
Sophie Morille : C’est vrai que j’aime beaucoup venir à Hôtel Bohème, tout est toujours très beau, on a envie de tout acheter. Et puis il y a toujours une bonne ambiance… Et le lieu toujours superbe. C’est l’opportunité aussi pour moi de montrer mon travail ailleurs qu’à Nantes. Et je repars toujours avec des contacts intéressants 🙂
D’ailleurs, comment envisages-tu la suite de ton travail?
Sophie Morille : Continuer dans ma lancée… Créer toujours de nouvelles choses ! Peut-être développer encore plus ma boutique en ligne.
As-tu une petite info ou une exclusivité à nous révéler ici ?
Sophie Morille : J’ai tous plein d’idées pour une nouvelle collection de teinture végétale. J’ai mis de côté ce médium pendant longtemps, j’ai très envie de m’y remettre, de remettre les mains dans la marmite et de sentir l’odeur des plantes chauffées. Sinon je suis en contact avec une agence de communication… Je devrais créer des motifs pour un grand groupe. Même si ça fait très longtemps que je n’ai pas travaillé pour des commandes, cela me tente bien. Rien de sûr encore donc je ne peux pas en dire plus !
Quand tu ne travailles pas, où peut-on te trouver ?
Sophie Morille : Avec ma famille. C’est très important pour moi de passer du temps avec eux. Je souhaite voir ma fille grandir, je ne veux pas avoir de regret. Je suis tellement dans le présent avec elle, c’est un grand bonheur ! Nous jouons et rigolons beaucoup ! Sinon j’aime les bons repas entre amis au coin du feu, se balader dans la nature, aller à la mer (à 25 mn de chez nous)… se balader en ville… Depuis cette année je fais également du yoga ashtanga, je découvre, et c’est incroyable comme ça me revitalise.
Quelles sont tes adresses fétiches dans les environs ?
Sophie Morille : Nous avons découvert de superbes balades à vélo, qui font partie du trajet “La Loire à Vélo”. Nous sommes sur le parcours, donc nous partons de la maison en vélo pour rejoindre des petits sentiers au bord de la Loire. C’est absolument ravissant et très dépaysant. Nous pouvons aller jusqu’au canal de la Martinière… Peut-être irons-nous encore plus loin bientôt. Sinon à Nantes je suis fan de la librairie de la HAB Galerie où j’ai d’ailleurs des créations exposées. Le LU est évidemment un lieu incontournable à Nantes. Et puis à une petite heure de Nantes tout près d’Angers il y a une petite île que j’adore qui s’appelle Béhuard. Tous les bords de Loire du côté d’Angers sont absolument superbes et très authentiques ! Comme nous avons vécus non loin de ces lieux là avant de venir sur Nantes, nous adorons y retourner.
Quels sont tes petits plaisirs ?
Sophie Morille : Danser dans mon salon avec ma fille. Prendre un bon bain chaud et me retrouver seule. Prendre un goûter dans mon atelier avec des petits gâteaux et un thé. Faire un bon restau en amoureux. Il y en a bien-sûr d’autres mais voici ceux qui me viennent en premier.
En dehors de ton travail qu’est-ce qui te passionne ?
Ma fille :)…
La musique, encore et encore !
La photographie (même si pour moi c’est très en lien avec mon travail).
Cuisiner de bons plats, même si j’aimerais trouver plus de temps pour ça.
Les plantes, j’adore faire tout pleins de boutures, c’est tellement gratifiant de s’en occuper et de les voir pousser.
Voyager… Encore et encore (même si j’ai moins de temps pour cela également). Mais deux voyages se profilent l’année prochaine.
Ton mot de la fin ?
Sophie Morille : Je vous souhaite à tous une très belle année 2016…Qu’elle soit riche de petits plaisirs et de grands bonheurs !
Je voudrais également remercier le talentueux et ami Teddy Locqard pour avoir pris ces beaux clichés.
Pour suivre Sophie Morille
Sa boutique en ligne
PHOTOS : Teddy Locquard
INTERVIEW : Mélanie Brument
Rendez-vous le 16 janvier pour le prochain portrait de créateur !